dimanche, septembre 25, 2005

Dieu et les escargots

Pendant tout un été, il a été mon camarade de jeux quand j’avais six ou sept ans. Il en avait sept ou huit, était le fils de l’instituteur du village et s’appelait Jean-Claude.

Ensuite, son père a dû être muté, ou alors je me suis fait d’autres camarades de jeux ... peut-être Michel et Jean sont-ils arrivés à ce moment ... mais l’année suivante je n’ai plus joué avec lui.
Omerville était un tout petit village à l’époque avec pour seuls pôles d’attraction la « croix fromage » (en fait une croix de Malte) et le Manoir de Ninon de Lanclos.

L’école était pourtant spacieuse et avait dû être construite à une période où les enfants étaient plus nombreux dans le village. Elle était accolée au bâtiment de la mairie, constituée d’une partie réservée à l’habitation de l’instituteur et de sa famille, de deux salles de classe, d’un préau couvert, et d’une grande cour cernée de grilles, déserte pendant l’été mais où les enfants pouvaient jouer pendant l’année scolaire au moment des récréations. Sur l’arrière des bâtiments, il y avait un jardinet auquel on accédait par une petite ruelle ; il y avait là des clapiers à lapins vides, de hautes herbes folles, des papillons et des sauterelles et plein d’escargots : des jaunes et des beiges tout petits et également des petits gris. Il y avait une escarpolette accrochée à un arbre. Aucune fenêtre ne donnait sur ce petit jardinet et sans aucun adulte pour nous surveiller, Jean-Claude et moi passions des heures à nous raconter des histoires.

Je ne me souviens plus du tout de l’aspect physique de Jean-Claude ; les seules choses dont je me souvienne à son sujet, c’est qu’il était plutôt brun, d’origine bretonne d’après son nom de famille et surtout, de son sadisme.

Il écrasait les escargots !

Son sadisme ne s’exerçait pas seulement à l’égard des escargots mais également au mien. Il avait tout de suite remarqué mon écœurement à la vue de l’intérieur mutilé des escargots et se complaisait à les récolter, à trouver une pierre bien plate, à les écraser de la pointe de sa chaussure droite et s'amusait ensuite à écarter le résultat obtenu à l’aide d’une badine pendant que je regardais, horrifiée, les yeux écarquillés et prête à vomir.

Régulièrement, il reprenait le même jeu, et il y avait une espèce de fascination morbide de ma part qui me poussait à rester là en gardant les yeux grands ouverts fixés sur la pauvre petite chose écrasée tout en retenant les spasmes de mon estomac.

Et puis l’été a passé, la date de la rentrée scolaire s’est approchée et mes parents, mon frère Michel et moi sommes rentrés à Paris.

L’année suivante, comme je l’ai déjà dit plus haut, je ne suis pas retournée jouer avec Jean-Claude ; peut-être pour les raisons déjà exposées, mais peut-être aussi par crainte du sadisme de Jean-Claude et de mon attirance à y être exposée.

Les étés se sont succédés et je n’ai plus pensé à Jean-Claude et je ne l’ai jamais revu. Un jour pourtant, ma mère m’a demandé si je me souvenais de lui. « Bien sûr » lui répondis-je, « pourquoi ? ». La voisine venait de lui apprendre que Jean-Claude, alors qu’il venait d’avoir dix-huit ans, avait eu un accident de moto et qu’il était décédé.

Je me suis toujours demandé si Dieu ne s’était pas souvenu des petits escargots écrabouillés par mon petit camarade de jeux et s’il n’avait pas voulu les venger ...

x.l.

1 commentaire:

AGOUGOU a dit…

Bonjour
J'ai bien aimé lire vos textes.
Continuez! et bonne année!